Geir M. Brungot - Reflexion de Paris
Vous souvenez-vous du moment où vous avez aperçu pour la première fois votre image dans le miroir? D’abord ce n’étaient
que des mains, des bras, des jambes, des pieds, la faim et le malaise. A l’instant suivant vous avez fait face a un
être humain, un étranger? « Oui, ceci c’est moi, mais qui est ce “je”? ». “La naissance de l’individu s’opère là, dans la
rencontre avec le miroir”, dit le psychanalyste français Jacques Lacan. Or la réflexion doit bien sûr être vue sous plusieurs
angles ou à plusieurs niveaux : celui des molécules de lumière se heurtant à une surface brillante qui se reflètent
dans l’oeil du spectateur et de son entourage pour former des images sociales qui construisent notre image de nousmêmes
et nos névroses. C’est avec cette dualité que Geir M. Brungot joue dans sa série intitulée “Réflexion de Paris”.
L’architecture de la Bibliothèque Nationale François Mitterrand fournit le cadre de ces photographies. La surface du bâtiment
reflète les alentours, le bleu du ciel et la formation des nuages, les bâtiments avoisinants ainsi que les passants.
Les chefs d’oeuvre architectoniques comme celui de la Bibliothèque Nationale Française symbolisent d’habitude l’image
du pouvoir. Le président Mitterrand a initié en 1988 ce projet, manifestation de la grandeur culturelle et intellectuelle
de la République française. Or ici, sur les photographies, les réflexions sont floues, voilées, les lignes et les contours
flottants. Le monde que le bâtiment nous reflète est embrumé, indéfini. Seules quelques images, les portraits de différentes
personnes sortent de cette brume. Clairs, précis, ces personnes regardent directement l’objectif de la caméra. Ces
portraits se signalent par leur absence de mise en scène. Placés devant l’objectif et portant des vêtements de tous les
jours ces personne se présentent simplement et ne prétendent pas à un rôle. Geir M. Brungot joue avec la relation qui
s’établit entre l’objet et l’observateur, les structures strictes qui nous définissent et celles, obscures, qui nous font disparaître.
Il perd volontairement derrière la caméra tout contrôle, accumulant les doubles sens qui laissent de l’espace pour
l’interprétation et la diversité. C’est pour cette raison que la photographie de Brungot ne cesse de me fasciner.
- Gerd Rathje |